10 000 ans. C'est l'âge des graines de lin qui ont été découvertes par la Cellule Départementale d'Archéologie des Ardennes, dans les sédiments de la Vallée de la Meuse, à Autrecourt-et-Pourron. Une datation confirmée cette semaine qui en fait la première trace de présence de lin indigène (sauvage) dans la région… et peut-être même au-delà !
Tout a commencé en 2012, avec l'intervention de la société Géoarchéon, spécialisée dans la géoarchéologie, l’étude des paléoenvironnements* et la médiation scientifique, sur une fouille dirigée par Olivier Brun, responsable du Service Culture du Conseil départemental des Ardennes, dans la Vallée de la Meuse.
Plusieurs diagnostics avaient été effectués dans cette zone en préalable à l'installation d'une carrière de granulats. L'Etat a alors retenu un secteur marqué par la présence de plusieurs lits fossiles de la Meuse pour étudier plus en profondeur l'évolution du paysage autour de ce fleuve au cours des 12 derniers millénaires.
Lors de cette opération, Henri-Georges Naton, géoarchéologue chez Géoarchéon, a réalisé de nombreuses observations sur des stratigraphies** datant de la fin de la dernière glaciation (il y a 110 000 à 10 000 ans avant J-C) jusqu'à aujourd'hui. L'occasion de procéder à des prélèvements, en prévision d'analyses destinées à comprendre l’évolution des paléoenvironnements.
L'étape suivante a débuté en 2016 avec un travail de recherche novateur : la carpologie. La carpologie, c’est l’étude des graines et des fruits conservés dans les sédiments (archéologiques), une discipline encore peu développée pour les milieux naturels anciens. Ce travail a été confié à Caroline Schaal, spécialiste menant une thèse sur ce sujet, « Approche paléoécologique des paysages anciens au cours de l’Holocène. L’apport de la carpologie ».
Premier résultat de ce travail de fourmi : la découverte des fameuses graines de lin dans des sédiments datés du début de l’Holocène (-10 000 ans avant J-C).
Mais encore fallait-il s'assurer que le site n'avait pas été pollué et que ces graines dataient bien de ce début de l'Holocène.
Une datation radiocarbone (14C) a permis de confirmer que les petites graines dormaient dans le sol depuis 9790 +-50 avant notre ère. Et qu'elles sont donc bien les plus anciennes représentantes de leur espèce retrouvées à ce jour dans le Grand Est.
*Paléoenvironnements : environnements anciens
** Stratigraphies : couches de terrain et leur contenu qu'on étudie afin d'établir des séquences chronologiques.
